samedi 20 décembre 2014

Le météorologue d'Olivier Rolin


C’est sans doute parce qu’elle est à la fois authentique et « ordinaire » que cette histoire est bouleversante. Cette histoire qu’Olivier Rolin s’efforce de raconter « scrupuleusement », « sans romancer » est celle d’Alexeï Féodossiévitch Vangengheim, météorologue dans l’URSS des années 30, pris dans les rets de la terreur « ordinaire » dès 1934 puis dans ceux de la Grande Terreur en 1937. Lors d’une de ses visites en Russie, pays qui attise sa curiosité, son « tropisme », l’auteur a été ému par une série de dessins et d’herbiers, réalisés par Vangengheim entre 1934 et 1937 au cours de sa détention dans le camp des îles Solovki. Emu car ces dessins sont ceux d’un père à sa fille, d’un père qui veut continuer à éduquer son enfant à distance ; ému car celle-ci continuera d’honorer, notamment en éditant les dessins sous forme d’album, la mémoire de celui que la répression stalinienne lui a pris bien trop tôt. Eléonora n’a même pas 4 ans lorsque son père est accusé de « sabotage économique » à grands renforts de faux témoignages et d’une procédure à charge dont on connaît bien aujourd’hui les terribles rouages. Pourtant, le météorologue s’efforce de ne pas désespérer et réaffirme sa foi dans le Parti, multipliant les lettres de protestation. Lui qui, noble de naissance n’a pas voulu émigrer en 1917, lui qui a consacré des heures interminables de travail à la construction d’un service météorologique unifié dont les prévisions bénéficient à une agriculture malmenée par les effets de la collectivisation, lui qui sait guider, à travers les glaces, les expéditions polaires, qui a déjà compris tout l’intérêt que vents et soleil pourraient apporter en matière d’énergie, qui a contribué à la grande aventure des aérostats, pionniers de la conquête de l’espace, bref, lui qui a participé avec passion à cette grande espérance née de la Révolution de 1917, cette « utopie », « en passe de devenir réalité », ne peut se résoudre à se croire complètement abandonné et finalement livré à un sort funeste, au fond d’une forêt, en compagnie de 1110 autres « rastrelian » (fusillés). Cet espoir déçu émeut et interpelle Rolin dans son parcours personnel. Il le reconnaît avec honnêteté. Ancien militant, il appartient à une génération pour qui cet idéal avait un sens. On comprend mieux pourquoi la trajectoire tragique de Vangengheim, comme celles de milliers d'autres victimes (dont plusieurs noms sont rappelés en forme d'hommage) a pu, à ce point, entrer en résonance chez lui.

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