vendredi 17 juillet 2015

Le blues du braqueur de banque de Flemming Jensen


L’avantage, avec un libraire qui vous connaît bien, c’est qu’il est capable de déterminer quel genre de lecture vous agrée de manière générale (voire vous enthousiasme), mais aussi selon votre humeur du moment. Je me suis donc adressée à mes libraires avec une consigne volontairement peu subtile (j’aime bien les mettre au défi), celle de me trouver des livres sans prise-de-tête, limite « Oui-Oui ». Après un sourire melliflue de leur part me signifiant qu’ils avaient déjà saisi la part d’exagération dans mon propos, je me suis retrouvée avec un livre à la couverture que je qualifierai d' efficace. L'auteur est danois, je ne le connaissais pas mais en général, j'aime assez la littérature d'Europe du Nord, pour son côté désopilant notamment. Je n'ai pas été déçue. 
L'histoire est racontée par un braqueur de banque avec une forme d'application un peu maladroite qui donne d'emblée une certaine légèreté de ton (bien que les thèmes abordés ne le soient pas) . Le narrateur s'emploie à expliquer sa démarche : il emprunte la forme d'un sketch célèbre au Danemark s'organisant en trois parties : l'exposition (sorte de longue introduction), la description des personnages et le dénouement. Il agrémente chaque chapitre d'une sorte de chapeau que j'ai trouvé parfois un peu lourd dans l'effet comique recherché et qui a l'inconvénient de dévoiler une partie de l'intrigue. 
Si notre narrateur s'applique autant, c'est qu'il est pantois d'admiration devant l'intelligence de son personnage principal, Max. Intelligence largement sollicitée car Max s'est mis dans une situation apparemment inextricable. Il a assassiné le Premier ministre du Danemark, Tom, son meilleur ami. Max est son "Spin Doctor", son conseiller de l'ombre depuis des années, celui qui excelle à manipuler l'opinion, à louvoyer dans les plus hautes sphères politiques mais qui laisse sur le devant de la scène, son ami, son pantin aussi, plus charismatique. Mais voilà que Tom a voulu remettre en question cet accord...Il faut dire que la situation est tendue car un énorme poil à gratter des relations entre le Danemark et les Etats-Unis est à nouveau sur la sellette : la base de Thulé au Groenland. Au cœur de cet enjeu géopolitique hérité de la Guerre froide, la question du devenir d'une poignée d'Inuits devient embarrassante dès lors qu'elle trouve écho parmi l'opinion publique danoise dans son ensemble (on apprend sur la quatrième de couverture que Flemming Jensen est un défenseur de la cause groenlandaise). Pourtant Max, rompu à toutes les magouilles, a déjà trouvé la parade. Mais voilà que les choses se compliquent encore : un match de football injustement perdu par l'équipe nationale face au voisin suédois qui tourne à l'émeute, les caprices d'une femme de Premier ministre qui dégarnit les rangs des services d'ordre et c'est la gaffe, impossible à rattraper. 
Jensen s'amuse à placer des événements apparemment sans lien entre eux, d'importance variable, les uns probables, les autres complètement loufoques, certains relevant de la sphère publique, d'autres du domaine privé, pour créer une sorte de tourbillon frénétique autour de ces personnages. L’ensemble est assez alerte et distille pas mal de messages, notamment sur la démocratie, la manipulation de l'opinion publique, les opportunismes de tout genre, tout ça sans avoir l'air de paraître trop sérieux. Le personnage de la jeune scoute, témoin presque direct de l'assassinat est le contrepoint naïf au cynisme de Max.
Pourtant, il faut peut-être apprendre à se méfier des oies blanches, comme de tous les pantins d'ailleurs.

1 commentaire:

  1. On ne rappellera jamais assez l'importance du rôle des libraires ! Le tien a l'air vraiment extra !

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