dimanche 13 septembre 2015

L'homme qui voulait vivre sa vie de Douglas Kennedy



160 pages de descriptif d'une vie conjugale devenue morose pour cause de concession au confort bourgeois m'ont d'abord copieusement ennuyées. Sans réussir à adhérer aux ressorts psychologiques du personnage principal, Ben Bradford, avocat de Wall Street, j'ai eu le sentiment d'assister à des geignardises en demi-teintes. Je n'ai pas été vraiment convaincue par les problèmes de ce cravaté malgré lui, frustré d'avoir enfoui son rêve de devenir photographe et pas davantage par ceux de l'épouse, Beth, amère elle-aussi d'un autre renoncement, l'écriture. En effet, la frénésie de shopping à laquelle ils se livrent régulièrement ainsi que l'inventaire comparé des différents appareils photographiques de Ben, tous plus sophistiqués les uns que les autres, procèdent certainement d' une intention de l'auteur de glisser une forme de critique mais je trouve que le procédé narratif retenu (c'est Ben le narrateur et il parle à la première personne du singulier) empêche que cela soit vraiment efficace. Du coup, je suis restée dans une sorte d'agacement face à ce personnage. 
Le tableau de ces classes sociales aisées qui ont fait le choix d'habiter des villes de banlieue chic, pas trop loin de la mégapole est cependant assez bien brossé et je me suis amusée, à l'aide d'un globe virtuel bien connu, à retracer le parcours de leurs migrations pendulaires en train.  New Croydon n'existe pas dans le Connecticut mais imaginez-le quelque part à côté de Stamford. Côté géographie des Etats-Unis, on est servi avec ce livre et ce, à toutes les échelles car, suite à une situation inextricable (j'essaie de ne pas la dévoiler), Ben va devoir fuir et s'embarquer pour un road trip des plus palpitants, cap vers l'Ouest bien entendu. Pour moi, c'est le point fort de ce livre surtout que l'auteur a la bonne idée de lui faire poser ses valises dans le Montana, dans une bourgade de 30000 habitants, nommée Mountain Falls (sauf erreur de ma part, elle n'existe pas mais pourrait être inspirée par Great Falls). Douglas Kennedy aborde avec subtilité la quête d'identité de ses habitants , coincés entre les clichés rustiques que les touristes, en mal d'authenticité fantasmée, le "wild west", réclament et des influences bobos venus de Californie (nous sommes au milieu des années 90). La série de portraits que réalise Ben, en sillonnant ce vaste Etat, saura remarquablement rendre compte de cette authenticité dont le vernis caricatural s'effrite au profit d'une réalité plus complexe. Kennedy a du talent pour décrire les photos et expliquer les intentions de leur auteur : il donne à voir et à comprendre, même pour les non spécialistes.
En dehors du dilemme central entre raison et rêves, d'autres aspects sont à découvrir dans ce livre, notamment les questions relatives à la reconnaissance ou au succès qui semblent avoir des aimants d'autant plus puissants et se développer dès lors même qu'ils sont enclenchés, par des circonstances n'ayant parfois rien à voir avec le talent. Est-ce une question qui préoccupe cet auteur reconnu (que je découvre personnellement) dont la production semble prolifique ?


2 commentaires:

  1. Douglas Kennedy compte de très nombreux aficionados... En deviendras-tu une à ton tour ? Pour l'instant, je te sens encore un peu partagée ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bien vu ! J'ai une impression somme toute mitigée sur ce livre. On me l'a prêté (ce qui en général augmente mon capital bienveillance) et recommandé. J'en attendais peut-être trop. Je reconnais qu'il a un petit côté "page turner" par les péripéties qui s'enchaînent mais est-ce suffisant ? Je trouve que le procédé narratif avec l'emploi du "je" est un peu plat. Pourquoi ne pas avoir introduit dans la première partie le point de vue de l'épouse, par exemple, ce qui aurait été un contrepoint intéressant ? ou celle d'un narrateur omniscient ce qui aurait donné plus de force à la critique sociale ?
      N'y a-t-il pas une certaine facilité avec l'emploi de la première personne du singulier ? Je n'ai pas d'a priori en ce qui concerne les auteurs reconnus mais je me méfie quand même de ceux qui arrivent à produire un livre par an...
      Apparemment, celui-ci est un de ses meilleurs donc je ne pense pas que je vais rejoindre le clan de ses aficionados...

      Supprimer